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jeudi 16 juin 2011

Les immigrés tunisiens et les élections constituantes: compte rendu

Par Sanfour,

Un compte rendu succinct

Les animateurs de la conférence / débat (Massy - 11/06/2011), dont deux membres du CISROR: Tarek Ben Hiba à droite, et  Mohamed-Lakhdar Ellala (qui est aussi membre du bureau politique du mouvement Ettajdid et président de l'ATF) au micro à gauche.

L’Association des Tunisiens d'Ile de France (ATIF) a organisé samedi dernier (11 Juin) à 19h une réunion d’information concernant les élections de la constituante à étranger, suivie d’un débat avec la présence de deux membre du Conseil de l’Instante Supérieure pour la Réalisation des Objectifs de la Révolution (CISROR), la réforme politique et la transition démocratique. Etaient présents : M. Mohamed-Lakhdar Ellala (membre du mouvement Ettajdid, président de l’Association des Tunisiens en France (ATF)) et M. Tarak Ben Hiba.
La Réunion a débuté avec un rappel plutôt exhaustif du déroulement des évènements depuis quelques mois, non sans une grande dose d’autosatisfaction et d’autocongratulation irritantes, en passant par les deux gouvernements Ghannouchi pour arriver au gouvernement actuel et la décision d’élire la constituante. Il a été aussi précisé que le nombre des tunisiens à l’étranger se monte à plus d’un million (10% de la population sur le sol tunisien) dont 600 000 en France. 19 sièges parmi 218 leur seront accordés au sein de la constituante, une première dans l’histoire de la représentation en Tunisie et fait rare dans le monde (A titre d’exemple, les français expatriés ne sont à ce jour pas représentés dans aucune des deux assemblées. Ils le seront à partir des élections législatives de 2012).
Quelques précisions ont été apportées quant à la controverse récente concernant le report des élections mais rien de novateur dans tout cela et rien qui n’ait été dit et inlassablement répété dans les différents médias. On n'en voudra pas aux conférenciers pour cela, leur discours présentait un résumé assez concis, très peu marqué par une orientation politique ou une appartenance partisane, et assez correct au final. De plus, il semblait intéresser et convenir à une partie de l’auditoire qui n’était pas nécessairement au courant des dernières évolutions.
Le débat devient un peu plus intéressant lorsque la question à l’ordre du jour vient à être abordée: les élections de la constituante à l’étranger et notamment en France. Les questions, les réponses et les différents échanges se sont centrés sur deux points fondamentaux :

L’inscription sur les listes électorales

Un vieil habitant de Massy présent dans le public pose la question suivante : « Est-il possible que le consulat fasse des permanences en banlieue pour faciliter l’inscription aux listes électorales ? S’il faut prendre le RER, puis le métro puis continuer à pieds, ça fait un peu trop !» (j'en rajoute peut-être un peu للضرورة  الشعرية). Le commentaire peut amener à sourire mais la question est loin d’être dénuée de toute pertinence. Il existe 8 consulats de Tunisie en France : à Paris, Pantin (banlieue parisienne), Strasbourg, Lyon, Grenoble, Marseille, Nice et Toulouse pour 600 000 ressortissants réguliers (légalement sur le sol français). Plusieurs problèmes se posent :
Un simple calcul donnerait 75 000 personnes par consulat. Il faut rappeler que selon le décret loi numéro 35 de l’année 2011 daté du 10 mai 2011 portant sur le code électoral de la constituante (Journal officiel N033, daté du 10/05/2011), les mairies sont compétentes pour l’élaboration des liste électorales à l’intérieur de la Tunisie, et les consulats à l’extérieur. Ceci n’est pas le cas pour les élections elles mêmes.
En Tunisie, les localités avec plus de 5000 personnes disposent d’une mairie donc au moins un bureau d’inscription. Ce n’est pas du tout le cas en France. On ne dispose même pas d’un bureau pour 75000 ressortissants (il est vrai que les électeurs sont un peu moins nombreux) puisque la répartition des tunisiens est régionalement inégale. Exemple : 2 consulats en Ile de France pour 200 000 tunisiens réguliers, et un nombre non négligeable d’irréguliers qui disposent clairement de tous leurs droits politiques dont l’inscription sur les listes électorales et le vote.
  1. Le premier problème est celui d’un trop grand nombre d’électeurs par liste.
  2. Le deuxième problème est d’ordre géographique: celui de la proximité des bureaux d’inscription (consulats) et de la facilité d’accès des électeurs éventuels pour s’y inscrire. Par exemple, tout l’ouest français ne dispose que d’un seul consulat à Toulouse.

Les bureaux de vote et les élections

On rappelle ici que l’organisation des élections ne relève pas du tout des consulats. Par un soucis de rupture avec les pratiques des autorités sous Ben Ali (et Bourguiba a fortiori) en matière d’élections, il a été décidé que les élections ne s’effectueront pas sous l’égide d’un organisme étatique (le ministère de l’intérieur en Tunisie et celui des affaires étrangères à l’étranger anciennement) mais sous celle d’une instance indépendante: la haute instance indépendante pour les élections, actuellement présidée  par M. Kamel jandoubi. Cette commission, ainsi que ses antennes régionales, est responsable de toute l’organisation dont le choix des bureaux de vote, leur équipement et la formation des personnes nécessaires pour leur bon fonctionnement.
Les mêmes problèmes que pour l’inscription sur les listes électorales et d’autres encore se poseront lors du vote.
  1. En matière électorale, il est coutume de considérer qu’il est possible d’assurer des élections dans de bonnes conditions avec 1 bureau pour 1000 électeurs (avec 4 isoloirs par bureau, 8 heures d’ouverture, on est, à peu de choses près, à 40 électeurs par isoloir et par heure). Ceci n’est pas du tout le cas actuellement en France et il est très difficile d’imaginer quelques dizaines de milliers d’électeurs voter le même jour dans le même bureau.
  2. Dans le cas où il y en aurait un nombre réduit, l’éloignement éventuel des bureaux de vote d’une grande partie de la population expatriée pénalisera inévitablement la participation, ce qui n’est pas du tout souhaitable pour des élections de pareille importance.

Quelques pistes …

La haute instance indépendante pour les élections a déjà fait un appel à candidature pour ses antennes locales à l’intérieur de la Tunisie. Silence radio concernant l’étranger. C’est là un premier motif pour monter à la charge et l’interpeller. Étant donné l’urgence et la criticité de la situation, la question des tunisiens à l’étranger n’est probablement pas la priorité ultime des travaux de l’instance (Certaines déclarations tendent à affirmer le contraire. Étant donné que M. Jandoubi est lui-même un expatrié, il est probable que son instance accorde une certaine importance à l’électorat à l’étranger). MM. Ben Hiba et Ellala nous balancent très banalement lors de la réunion de Massy qu’aucune discussion concernant les tunisiens à l’étranger n’avait eu lieu au sein du CISROR avant l’élection de la haute instance indépendante pour les élections. A défaut de voir leurs problèmes spontanément considérés au sein des différentes commissions, et afin de dépasser les conditions ridicules qui encadraient la participation des tunisiens à l’étranger lors des précédentes élections, une mobilisation des intéressés est primordiale surtout que plusieurs solutions existent.
En 2009, lors des dernières élections présidentielles, la Tunisie avait demandé à la France par voie diplomatique des espaces décentralisés à utiliser comme bureaux de vote. C’est ainsi qu’à Massy, un Gymnase municipal fit office de bureau de vote le long d’une journée. Lors des dernières élections algériennes, le scrutin à l’étranger fut mené sur une semaine au lieu d’une journée pour laisser le temps aux électeurs d’accéder aux bureaux de vote tout en désengorgeant ceux-ci. On pourrait aussi envisager d’assurer le transport des électeurs vers les bureaux de vote (en bus par exemple) mais cela ne résout pas le problème d’une affluence disproportionnée aux bureaux (par rapport à leur capacité) et risque de coûter assez cher.
Ceux-ci ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres qui abondent.
Il incombe à tous ceux qui se sentent concernés, ainsi qu’à la société civile, aux différentes associations et collectifs d’organiser les débats qui s’imposent pour imaginer des alternatives, de recenser les ressortissants tunisiens dans leurs collectivités respectives, de les mobiliser pour cette échéance et de transmettre les différentes propositions et données pertinentes à la haute instance pou les élections   et à la relancer incessamment jusqu’à aboutissement. Il leur incombe aussi d’être un interlocuteur fiable vis-à-vis des différentes institutions, un intermédiaire entre les différentes instances et la communauté expatriée et de faire force de proposition tout le long du processus électoral (inscription sur les listes, organisation des bureaux de vote et leur administration, etc. …) soit en écrivant directement aux instances compétentes soit en se fédérant en collectifs et groupement d’associations plus visibles et plus efficaces en matière de communication.

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